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Le billet de Josette | Le pouvoir des signes de reconnaissance – 1er acte

  • “Je ne sais pas si mon supérieur est satisfait ou non de mon travail. Il ne me dit jamais rien”.
  • “Mon patron n’est jamais content et me fait des remarques très désagréables. Je m’échine pourtant à faire le maximum mais rien ne lui convient”.
  • “Mon manager m’abreuve tellement de compliments que j’en arrive à douter de leur sincérité”.

Je reconnais bien volontiers que le troisième exemple est moins fréquent que les deux précédents mais le nombre de fois où j’ai entendu ces phrases dans mes formations est incalculable et cela se ressent dans l’attitude et le comportement des personnes concernées. Je l’ai encore vécu récemment dans un stage aussi ai-je décidé d’aborder les signes de reconnaissance pour ces billets d’avril, mai et juin tant le sujet est vaste. J’irai même, ultérieurement, jusqu’à aborder les effets papillon mais revenons à nos moutons d’avril !

Commençons par rendre au psychiatre Éric Berne (en photo avec sa célèbre pipe) ce qui lui appartient : les signes de reconnaissance viennent de ses recherches. Se basant sur la théorie de l’hospitalisme* de René Arpad Spitz (petite photo), Éric Berne, fondateur de l’Analyse Transactionnelle, plus communément appelée AT, a pensé le principe des Strokes”. Il utilise un vocable polysémique qui signifie à la fois caresse et coup de pied. Ce terme anglais est, soit conservé tel quel dans les textes français, soit traduit par “signes de reconnaissance”. Eric Berne s’est interrogé sur nos besoins de base, qu’il a nommé soifs par analogie à la nutrition. Nous avons soif de structure, de stimulation et… de reconnaissance !

Définition

L’analyse transactionnelle définit un signe de reconnaissance comme une attention donnée à une personne. C’est une façon de lui manifester qu’elle existe pour nous, qu’elle est présente. Comme l’a dit je ne sais plus qui : mieux vaut un signe de reconnaissance négatif que pas de signe du tout. Tout sauf l’indifférence ! À cet égard le premier de mes trois exemples est révélateur. La personne est ignorée. Le doute quant à son implication et ses compétences se distille insidieusement et les effets sur elle seront ravageurs.

Notre passé !

Il pèse celui-là et plus souvent que nous le pensons. C’est un boulet que nous transportons quotidiennement à la semelle de nos souliers. En effet le poids du conditionnement éducatif se vérifie souvent ici. Par exemple une personne habituée, dès le plus jeune âge, à recevoir des signes de reconnaissance négatifs sera plus encline à en recevoir toute sa vie, voire à ignorer et même à refuser les signes de reconnaissance positifs.

Et puis il y a nos croyances limitantes !

Quelles sont donc ces croyances limitantes inculquées dans notre enfance ou lors de nos débuts professionnels ? Claude Steiner, psychologue clinicien et adepte d’Éric Berne (tous deux en photo), évoque la rareté : il n’y en aurait pas assez pour tout le monde et on pense que seules certaines élites peuvent en recevoir. Penser qu’une pénurie existe dans ce domaine est insensé : les signes de reconnaissance sont inépuisables et “Nous le valons bien”. Qu’on se le dise !

L’autre croyance est le contrôle : seuls quelques privilégiés peuvent en prodiguer. Une liste officielle et mondiale de ces privilégiés a-t-elle été établie et gravée dans le marbre ? Non ! Alors tout le monde peut le faire, à tous les échelons de la hiérarchie et à chaque instant. En prime : ils sont gratuits !

Expression de nos signes de reconnaissance

Les signes de reconnaissance sont parfois volontaires mais pas toujours ! Par notre comportement et nos paroles, nous manifestons, souvent inconsciemment, une attitude à l’égard de nos interlocuteurs. Ces signes peuvent s’exprimer :

  • Par des mots : “J’apprécie votre impartialité”.
  • Par le visuel : un regard, un sourire, un geste de la main, une mimique, une démarche… et la journée s’éclaircit ou s’assombrit.
  • Par le para-verbal : un ton enjoué, agressif, dubitatif, morose, marmonnant… sur lequel un simple “Bonjour” est prononcé fournit un précieux indicateur. À noter que l’écoute active est un signe de reconnaissance positif très puissant.
  • Par des récompenses ou des punitions : une augmentation de salaire (ou une prime) sera vécue comme un signe de reconnaissance par la personne qui en bénéficie et enrichira la considération qu’elle a d’elle. Le retrait d’un dossier intéressant sera identifié comme une punition et pourra se vivre, par la personne concernée, comme une punition normale et justifiée puisqu’elle se considère comme incompétente. La dévalorisation, déjà présente, sera accrue ! Imaginons maintenant que ce dossier soit enlevé à une personne qui se juge très compétente voire au-dessus du lot ! Incompréhension, fureur et demandes de justifications feront surface. Ambiance pourrie garantie !

Le besoin de signes de reconnaissance

Complexes et uniques nous sommes ! Nous pensons et réagissons différemment mais ayons bien conscience que les signes de reconnaissance sont notre énergie, notre carburant social. Nous avons toutes et tous besoin d’exister aux yeux des autres pour avancer dans la vie. Ils sont vitaux pour chacun·e de nous. Cependant, tous les signes de reconnaissance n’ont pas le même impact aussi est-il important de bien les distinguer.

Au même titre que nous avons ce besoin il est aussi fondamental d’exister à nos propres yeux. Se répéter inlassablement “Je suis nul(le)” ou “Je n’y arriverai jamais” déclenche un malaise constant, envoie des timbres négatifs dans l’inconscient et Jacques Salomé nous le rappelle Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprimeet… s’imprime durablement. Un jour qui ne va pas être fait comme un autre, tous ces “strokes”** négatifs stockés vont remonter à la surface, déclencher une hargne incontrôlée, à un moment inapproprié et sur une personne qui ne va rien comprendre.

L’analyse transactionnelle distingue quatre types de signes de reconnaissance

Le signe de reconnaissance peut être :

  1. Conditionnel : il est circonstancié. Il porte sur des faits précis en un temps et un lieu donné : comportements, résultats, actions… Il se situe dans le FAIRE.
  2. Ou inconditionnel : il porte sur notre personne, sur ce que l’on est de façon permanente. Il se situe dans l’ÊTRE.
  3. Positif : il marque la considération, la bienveillance. Plus couramment, on parle de compliments, de félicitations, de remerciements.
  4. Ou négatif : il marque la dépréciation, la malveillance. Plus couramment, on parle de critiques, de reproches, de jugements.

Récapitulons :

La nécessité de bien gérer les signes de reconnaissance

Les signes de reconnaissance n’ont pas tous le même impact : nous avons besoin d’en recevoir pour nous sentir reconnu·es, mais soyons vigilant·es car certains possèdent des conséquences négatives.

  • Trop de signes de reconnaissance négatifs peuvent entraîner une escalade d’agressivité ou de découragement, surtout s’ils sont inconditionnels. En s’adressant à l’existence même d’un individu leur puissance et leur implication peuvent avoir des effets dévastateurs.
  • Trop de signes de reconnaissance inconditionnels, même s’ils sont positifs peuvent enfermer la personne dans l’image qu’on lui renvoie et impacter son comportement. Exemple : répéter inlassablement à une personne “Vous êtes la meilleure” peut :
    • Lui mettre de la pression, engendrer un stress intérieur, par crainte de ne pas être à la hauteur et de décevoir.
    • L’amener à croire qu’elle est réellement la meilleure d’où la justification du surdimensionnement de son égo et de son côté détestable “J’écrase les autres”.
    • La faire douter de la sincérité du compliment, l’amener à ne plus croire en aucun compliment et la déstabiliser complètement quand un stroke négatif surgit.

De plus prenons bien conscience que certaines personnes ont besoin d’être fréquemment encouragées, réconfortées et valorisées pour s’améliorer (y compris dans l’encadrement). Ces shoots** positifs envoyés leur donneront des ailes. En revanche d’autres vivent très bien avec peu de strokes (y compris chez les employé·es). En effet nous ne sommes pas toutes et tous égaux : cela dépend de notre atavisme, de notre éducation, de notre histoire personnelle, de notre environnement… et seule une combinaison d’essais et d’erreurs permettra de trouver la juste quantité pour chacun·e. Raison pour laquelle je préconise fortement d’exprimer clairement son besoin en reconnaissance.

Pour conclure ce 1er acte je considère que la fonction de secrétaire/assistant·e nous privilégie. En effet s’intéresser aux autres, savoir quoi dire, quoi faire et quand le faire est la marque, la trace indélébile, l’essence même du secrétariat/assistanat. Nous sommes les sonars et les radars des bureaux !

Vous l’avez compris il est important de bien gérer les signes de reconnaissance que nous nous envoyons, que nous recevons, que nous donnons et de garder la tête froide. Ces approches seront développées dans mes billets de mai et juin. En attendant appropriez-vous et faites circuler cette citation :

« Il n’y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance ».

Jean de la Bruyère

Mon signe personnel de reconnaissance pour ce jeudi 18 avril : BONNE FÊTE !

Tout est dit !

Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS

* L’hospitalisme est un état dépressif avec régression physique et psychique qui se manifeste chez certains enfants séparés précocement de tout lien d’affection (carence affective totale). Ce trouble affectif a été théorisé par le psychanalyste René Spitz (Cf. Wikipédia).

** Shoots : salves – Strokes : coups