Souvenez-vous du premier confinement de mars 2020 : nous étions toutes et tous dans une totale incertitude et personne ne savait comment réagir face à ce virus. Les médecins, les épidémiologistes, les infectiologues, les chercheurs…, décontenancés, tâtonnaient sur les bonnes pratiques à adopter. Par souci de précaution les docteurs, pour lesquels s’investit Elodie Cathala secrétaire médicale à Castres, ont décidé de fermer la salle d’attente. C’est là qu’une patiente, excédée par cette fermeture, a craché sur elle.
Elodie a narré cet acte dégradant lors de l’émission « Jean-Pierre et vous » le 3 avril 2021 sur LCI. Pas franchement surprise par cette ignominie je suis restée admirative quant au degré d’acceptation d’Elodie. Elle a relaté cet épisode de sa vie professionnelle avec calme, courtoisie, élégance et a gardé le sourire. Alors… pour balayer cet horrible crachat de sa vie je lui offre une marguerite, symbole de grandeur. Bravo pour votre dignité Elodie et Merci pour votre professionnalisme. A noter que l’histoire ne dit pas si Elodie a raconté sa mésaventure à ses médecins et s’ils ont réagi ! J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage à tous(tes) les secrétaires œuvrant dans le secteur médical dit de proximité. Vous pouvez me croire, leurs vies professionnelles frisent l’intolérable mais, vaillamment, ils/elles assurent !
Ci-dessus j’ai évoqué le fait que je n’étais pas surprise. Le nombre de secrétaires, d’assistant(e)s, d’employé(e)s, d’agent(e)s administratif(ve)s… qui me racontent les méfaits qu’il(elle)s subissent de la part de certains managers, clients, patients, administrés… va croissant. Quand je parle de méfaits je parle d’humiliations, d’invectives, d’insultes, d’injures, d’attaques, de souillures… Cette liste outrancière est malheureusement en courbe exponentielle et l’insoutenable est arrivé ce 23 avril à Rambouillet ! Je cite Stéphanie Monfermé dans ce billet sans autres commentaires. Ecrire que je suis bouleversée est un euphémisme et la pensée que le personnel administratif est le déversoir de tous les emportements, de toutes les vilénies, de toutes les horreurs m’obsède !
Cela fait déjà un moment que je souhaite aborder l’acceptation dans un billet mais les sujets se bousculent à la porte de mon ordinateur ! Cela posé comment passer du stade de l’exaspération, du refoulement, de la nausée, de la rancœur à celui de l’acceptation ? Je reconnais bien volontiers que ce n’est pas évident.
Devant une injustice flagrante notre sourde colère peut subitement exploser. Devant un propos que nous jugeons dégradant nous pouvons sortir de nos gongs. Devant une insulte nous pouvons aller jusqu’à gifler l’individu qui l’a proférée, ajouter de l’insulte à l’insulte et de la violence à la violence. Une escalade de rage qui s’amplifie jusqu’à devenir totalement ingérable. A tout cela s’ajoutent les détails du quotidien qui nous sapent le moral et grignotent notre énergie Tous ces strokes en stock peuplent lourdement notre inconscient et nous explosons pour une broutille ou un propos insignifiant. Notre entourage, ébahi, ne comprend pas d’où provient notre subite agressivité alors que, quinze minutes avant, nous étions d’une humeur charmante. Une fois l’orage passé nous revenons à notre nature profonde, regrettons, culpabilisons et nous sentons mal, très mal !
Si elle fait partie des quatre sentiments de base Marek Halter nous rappelle que «La colère est la non-acceptation de l’inacceptable».
Donc… avez-vous déjà réfléchi à ce qui est inacceptable pour vous ? Sur quel degré de l’échelle placez-vous votre curseur personnel de l’inacceptable ? Ce qui vous apparaît comme dérisoire peut sembler totalement odieux pour une autre personne. J’en veux pour preuve ma collègue Claire totalement médusée, indignée et larmoyante pour moi quand mon patron de l’époque m’avait traitée d’emmerdeuse (Cf. mon billet d’aération de mai 2020 semaine 3). Ce qui, pour moi, était anecdotique voire «amusant», relevait, pour elle, d’une insulte gravissime.
Attardons-nous quelques instants sur le crachat reçu par Elodie. Comment aurais-je réagi ? Me connaissant bien je sais que j’aurais envoyé à la cracheuse, sur un ton ferme et peu amène, une phrase du genre «Pensez-vous Madame que votre crachat a le pouvoir de faire ouvrir la salle d’attente ?». Et vous ? Interrogez-vous sur votre réaction. On ne sait jamais… cela pourrait vous servir dans le futur mais… je ne vous le souhaite vraiment pas !
A mon sens il y a deux formes d’acceptation : la passive-négative et l’active-positive.
Prenons l’exemple de ce que nous vivons à savoir cette cochonnerie de virus et sa kyrielle d’«emmerdements» quotidiens ! Certaines personnes sont résignées, n’engagent rien, se désespèrent, se lamentent, geignent. Leur horizon se limite à tout critiquer, être passives et négatives. Leur pessimisme ferait tourner en vinaigre le meilleur millésime et disloquer un fougueux couple d’amoureux.
D’autres résistent, continuent à se battre, avancent, explorent de nouvelles pistes, saisissent les opportunités, inventent de nouvelles manières d’agir. Actives et positives, leur optimisme n’efface pas leur clairvoyance mais elles acceptent la situation et en profitent pour bouger, innover et s’investir pour mieux y faire face.
L’acceptation se décline également par :
Accepter qui nous sommes. J’aurais aimé posséder l’intelligence de Simone Veil, l’instruction de Jacqueline de Romilly, l’humour de Nicole de Buron, l’esprit de Louise de Vilmorin, les multiples talents de Maurane, Ella Fitzgerald, Madame de Sévigné, Agatha Christie, Khatia Buniatishvili, Marie Curie, Camille Claudel, Martine Monteil… Quant au physique mieux vaut ne pas aborder le sujet : les jambes de Cyd Charisse me font et feront toujours rêver ! Je suis moi et ne possède rien de toutes ces femmes mais… je m’accepte et me fais confiance. Globalement, je suis plutôt satisfaite de qui je suis partant du principe que, forcément, je possède quelque chose qu’elles n’avaient ou n’ont pas ! Il en va de même pour chacun et chacune de nous. Nos qualités et nos talents sont légion alors… brillons !
Accepter l’autre. Quelle banalité d’écrire que nous sommes tous différents ! Certes mais cela va mieux en l’écrivant et, surtout, en l’acceptant. Je concède totalement que des personnes n’aiment pas Maurane ou Ella Fitzgerald et lui préfèrent d’autres chanteuses. Je ne me révolte pas quand une poignée d’individus me disent que Khatia Buniatishvili massacre Chopin. Je donne simplement mon avis et j’argumente. J’aime les huitres et j’admets bien volontiers que d’autres soient écœurés rien qu’en les regardant. Je ne suis pas totalement révoltée quand certain(e)s politicien(ne)s profèrent ce qui me semblent être des inepties. D’autres les encensent. Je ne fais pas un scandale à chaque émission de télévision que je juge dégradante et préfère sagement zapper. Je n’étale pas mes aigreurs et ne déverse pas ma haine sur les réseaux sociaux en proférant que «Machin est un abruti» et que «Chose est un con» ! Chacun son avis, son opinion et je tente d’appliquer ce que nous a enseigné Victor Hugo « Le devoir est une série d’acceptations ». A cet égard je garde mon libre-arbitre et mon devoir est d’en débattre dignement quand je ne suis pas d’accord, de coopérer quand je le peux, d’affronter la situation quand je le dois et d’agir efficacement quand ma conscience me le dicte.
Accepter l’existant. Le royaume enchanté où «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»* est un fantasme, une illusion, une divagation de l’esprit. Le monde est tel qu’il est avec son cortège, d’irresponsables, de laxistes, d’ignobles, de voleurs, de fanatiques, de fous furieux, d’assassins,… Je peux me révolter à chaque fois et entamer une action flamboyante pour que cela cesse. Par exemple j’aurais pu me précipiter à New Delhi et convaincre Ram Nath Kovind, Président de l’Inde, de faire cesser les infâmes trafics des bouteilles d’oxygène. Dans la foulée j’aurais pu contacter notre Président ainsi que d’autres dirigeants mondiaux pour en faire livrer en 24 h. Toujours dans mon délire obsessionnel de sauver ce peuple j’aurais pu commander 1 milliard de bouteilles, faire affréter les avions et aller les distribuer moi-même à tous ces malheureux. Mon divaguant fantasme peut faire sourire malgré le dramatique de la situation et mon passif combat doublé de ma lamentable inertie face à la cruelle réalité vont me maintenir dans l’inconfort, l’insatisfaction et le dégoût. Il convient donc que je passe par l’acceptation du lâcher-prise car « Vouloir vivre, c’est accepter le mal » selon Pierre Leroux. Mais je ne manque pas de porter un regard sans complaisance sur mon comportement et mes actions. Pouvoir me regarder sereinement dans la glace, être fière de mes actes et être en paix avec ma conscience me permettent de passer de douces nuits !
Revenons au crachat d’Elodie et allons faire un tour en Italie avec Marc Aurèle : « Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer celles que je peux changer et la sagesse de distinguer les premières des secondes ». Elodie pouvait-elle empêcher ce crachat ? Non ! Avait-elle la possibilité de raisonner la cracheuse ? Non ! Pouvait-elle s’insurger, se mettre en colère et lui asséner ses quatre vérités ? Oui mais son professionnalisme en aurait grandement souffert. Elle est restée stoïque, maîtresse de ses nerfs, représentative du métier/de la profession qu’elle exerce et a laissé la cracheuse à sa honte. Alors puisque nous sommes en Italie restons-y avec ce superbe proverbe :
« Il faut accepter les coups de pied de la vache comme on accepte son lait et son beurre ».
Tout est dit !
Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS
* Comédie satirique de Jean Yanne et Gérard Sire sortie en 1972