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Le billet de Josette | Place à l’humanité, Merci Madame

« L’humanité est une entreprise surhumaine » selon Jean Giraudoux. Devant les horreurs quotidiennes qui nous assaillent nous ne pouvons qu’adhérer à cette citation. Alors je m’interroge : comment lutter contre la barbarie ? Comment s’insurger tout en restant digne ? Comment sauver des êtres humains ? Comment agir dans le respect des lois et le respect auquel tout être humain a droit ? Comment manifester, sans violence, sa vigoureuse désapprobation ? Comment remettre, voire mettre, un individu sur le chemin de l’humanité ? Comment lui inculquer des valeurs, des principes, une éthique, des règles conformes à cette humanité ?

Ce cortège de questions m’anéantit : je n’ai pas de réponses et me sens inutile. J’agis, à mon petit niveau et sa faiblesse me désespère. Certes je me dis qu’une petite pierre plus une autre petite pierre plus… finiront par former une solide paroi et que nos bonnes volontés, unies, triompheront. J’ai beau me le répéter inlassablement, il n’empêche que mon inutilité me désespère, me laisse un goût amer en bouche et une douleur abyssale à l’âme.

Pourquoi vous raconter tout cela ? Parce que, ce vendredi 8 avril, Mimi Reihardt une grande secrétaire nous a quittés. 107 années utiles, riches, fécondes, flamboyantes. Nina, sa petite-fille a écrit : « Ma grand-mère si chère et si unique vient de s’éteindre à l’âge de 107 ans. Repose en paix ». Le mot est lâché : unique et Mimi l’était. Nous la connaissions sans la connaître. Gigantesque paradoxe n’est-ce pas ? À bien y réfléchir ce n’est pas surprenant : Mimi est restée modestement dans l’ombre, a effectué scrupuleusement son travail et a fortement contribué à faire briller noblement et utilement l’humanité de son patron.

Qu’a fait Mimi Reihardt ?

Recenser des identités et en dresser une liste. Quoi de plus banal pour une secrétaire ?

C’est un acte totalement anodin et la saisie d’une liste par une secrétaire n’a jamais engendré la clameur des foules. On peut effectivement le voir ainsi sauf s’il s’agit de la liste de tous les travailleurs juifs employés dans l’usine de votre patron et que celui-ci se nomme Oskar Schindler. Mon image les représente tous les deux. Ils sont liés pour l’éternité et le monde entier les acclame. Ils sont tous deux « Justes parmi les nations ». Cet honneur a aussi été accordé à Emilie Schindler épouse d’Oskar au moment des faits.

Mimi, Autrichienne juive née en 1915, a été embauchée à 19 ans en qualité de secrétaire d’Oskar Schindler et de son comptable Itzhak Stern dans l’usine d’Oskar Schindler à Cracovie dans le sud de la Pologne. Elle était dans la liste sous son nom de femme mariée Carmen Weitmann. Le monde était en pleine guerre et cette liste a permis de sauver plus de 1 000 personnes des chambres à gaz.

Je suppose, sans aucune preuve, qu’elle savait ce qu’elle faisait, qu’elle était informée des atrocités du nazisme, qu’elle connaissait les conséquences de son acte si elle avait été dénoncée. Tout cela m’amène à deux questions : aurais-je eu le même courage qu’elle dans cet immonde régime dictatorial ? Aurais-je accepté de saisir cette liste de noms en sachant que je risquais la déportation donc ma vie ?

Je suis toujours décontenancée par les gens qui savent clairement ce qu’ils feraient dans telle situation si elle se produisait. Aurais-je été lâche ? Aurais-je été courageuse ? Aurais-je été inconsciente ? Aurais-je été déterminée ?… Je l’ignore aussi suis-je profondément admirative de Mimi et lui rendre un ultime hommage à travers ce modeste billet est dérisoire au regard de ce qu’elle a accompli mais je me devais de le faire. Elle a décidé de passer à l’action et son humanité a étincelé. Cela se nomme l’intelligence de la vie.

À ce stade je m’interroge encore : va-t-il y avoir une Mimi ukrainienne, française… russe ? L’avenir, proche ou lointain, nous le dira. Pour rappel le roman historique de l’Australien Thomas Keneally « La liste de Schindler » a été publié en 1982 et le film du même nom de Steven Spielberg est sorti sur les écrans en 1993.

Au fait !

«Celui qui sauve une vie sauve l’humanité entière».

Paroles de la Bible, du Coran et du Talmud

Tout est dit !

Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS

NB : si rendre un dernier hommage à Mimi Reihardt était une évidence une autre réalité, vécue récemment, m’amène à ce second billet. Ces deux billets n’ont aucun rapport mais un mot puissant les relie : MERCI.