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Le billet de Josette | Oui à la bienveillance ! Non à la complaisance !

Me voilà repartie sur les routes de l’agacement pour ce billet de novembre ! Je reconnais bien volontiers que cela doit agacer et vous faire râler vous aussi. Eh oui… nous devons assumer ce que nous sommes : un peuple de râleuses et de râleurs ! Personnellement je le revendique.

Rassurez-vous, je ne vais pas jusqu’à imiter Grincheux et le Schtroumpf grognon qui râlent toute la journée pour tout et rien mais quand je suis agacée je l’exprime sans ambages. C’est le cas pour ce mois de novembre.

3 novembre = journée de la gentillesse.

Formidable, merveilleux, super… car la gentillesse fait partie du top 10 des indispensables à nos vies sociétales. Mais… pourquoi le 3 novembre ? Pour le monde entier c’est le 13 et la France a décrété que ce serait le 3* d’où mon premier sujet d’agacement ! Certes vous pouvez me répondre que cela n’a aucune importance dans la mesure où cette journée n’est pas votre préoccupation majeure. D’ailleurs vous ne saviez même pas qu’il y avait une journée consacrée à la gentillesse et, de surcroit, vous vous en fichez comme de votre première couche-culotte. Vous pourriez aussi me rétorquer que la journée de la gentillesse est aussi utile que la journée de la marmotte, la journée sans pantalon ou la journée du popcorn ! Je ne délire pas du tout : 598 journées sont répertoriées sur ce site et les 3 dernières sont bien citées !

Deuxième source d’agacement : qui décide de ce genre de journée ? Quels sont les critères d’initiation et d’acceptation ? Si effectivement certaines journées mondiales me semblent être totalement justifiées en revanche, l’utilité d’autres ne me saute pas aux yeux telles la journée mondiale du jardinage nu ou celle du Capoeiriste ! Je vous assure que je ne délire pas ! Au fait, s’il y a une journée consacrée à la gentillesse est-ce que cela signifie que nous pouvons être odieux les 364 autres jours ? Ok ! Je reconnais être très ironique mais j’aime bien, parfois, jouer le rôle de « poil à gratter » !

Troisième origine de mon agacement : le site de l’ONU [liste des journées et semaines internationales]. Les secrétaires/assistant(e)s n’y sont pas alors que les enseignants et les postiers sont bien présents ! Certes ils sont partout dans notre vaste monde mais nous aussi que diantre y compris à l’Éducation nationale et à la Poste ! Remarquez que la journée de la gentillesse ne s’y trouve pas non plus ! Que devons-nous en déduire ? Au passage, vous noterez qu’une journée des jeunes filles dans le secteur des TIC a lieu le 22 avril !

Le world Kindness Day

Mais revenons à nos moutons initiaux à savoir la gentillesse. Issue d’un mouvement né au Japon dans les années 60, le «Small Kindness Movement of Japan», en 2000 naît à Singapour le «World Kindness Day». Cette journée mondiale est suivie rapidement par de nombreux pays.

Alors quid de la gentillesse ? Vous connaissez mon intérêt pour Larousse aussi je vous renvoie à ses définitions et à ses synonymes  :

  • Caractère de quelqu’un qui est gentil, agréable, gracieux.
  • Caractère de quelqu’un qui est d’une complaisance attentive et aimable.
  • Affabilité – Amabilité – Aménité – Bienveillance – Bonté – Délicatesse – Empressement – Obligeance – Prévenance.

Je vous fais part de mon interrogation : est-ce vraiment fructueux d’être gentil(le) dans la vie professionnelle ? En effet si la gentillesse fait partie intégrante de ma vie privée, professionnellement je suis dubitative quant à ses effets, émets des réserves voire m’en méfie.

L’exemple de Suzanne

Suzanne** est arrivée ce matin d’excellente humeur. Comme chaque jour elle sourit, dit bonjour, se préoccupe du bien-être des uns et des autres et a toujours une parole aimable :

  • Demande des nouvelles de Russelinou le vieux chien de sa collègue Souria : il est chez le vétérinaire depuis 3 jours et Souria est très soucieuse. Souria déverse ses angoisses et Suzanne l’écoute.
  • Offre un café à Marc et le réconforte : il est démoralisé par son récent divorce et ne parvient plus à se concentrer sur son travail. Suzanne lui prodigue chaleur et générosité et lui dit qu’elle passera aujourd’hui pour l’aider.
  • Dépose un petit paquet de chouquettes bien fraîches sur le bureau de Fanny sa proche collègue (elle adore ça et ne pense jamais à en acheter !). Suzanne sait que Fanny est très préoccupée en ce moment avec un gamin malade.
  • Apporte un petit café serré à son manager avec un autre petit paquet de chouquettes et lui souhaite bonne fête. Il est surpris et content : il avait oublié que c’était sa fête !
  • Dépanne Magali coincée dans Excel : elle est perdue dans son tableau croisé dynamique. Magali ne maîtrise pas Excel et Suzanne l’aide systématiquement.
  • Accourt pour débloquer l’imprimante : ce pauvre Antoine ne sait pas comment faire et ne comprend rien à cette fichue machine !
  • Va chercher sur l’intranet dédié le nombre de jours de congés restants pour Philippe. Il lui demande, en plus, de regarder ses RTT : il n’a pas le temps de s’en occuper.
  • Explique, pour la 6ème fois, à Joss comment se connecter à Teams. Joss est réfractaire à cet outil.
  • Accepte de finaliser un diaporama archi urgent pour un manager dont l’assistante est complètement débordée.
  • Dring… « Suzanne je te transfère un appel. Toi qui es au courant de tout tu vas savoir quoi faire ». Suzanne passe 20 minutes à saisir ce que l’appelant souhaite et à trouver le bon interlocuteur. Elle va même jusqu’à lui laisser ses coordonnées ! On ne sait jamais, il peut en avoir besoin.
  • « Suzaaaaaaaane tu peux venir m’aider STP ? ». Elle vole au secours de Samia qui a commis une erreur dans le logiciel de facturation et ne parvient pas à la corriger.
  • Prend sous son aile la jeune stagiaire débarquée ce matin pour son 1er jour en entreprise. Fatou devait travailler avec Blandine mais cette dernière est souffrante donc absente.

16 h 35 : Frédéric (son manager) déboule dans le bureau de Suzanne pour venir chercher les documents qu’il emporte ce soir. Suzanne n’a pas terminé de les compiler. «Mais qu’est-ce que vous avez foutu de votre journée ?» lui lance-t-il très énervé. Bredouillante, gênée elle promet que cela ne se reproduira plus, qu’elle va se dépêcher, qu’il les aura avant son départ, que… Il part en claquant la porte et les larmes montent aux yeux de Suzanne.

C’était une journée ordinaire de Suzanne ensevelie sous des flots de gentillesse.

Oui à la bienveillance, non à la complaisance

Marc Aurèle vient au secours de Suzanne : « Si vous êtes bouleversé par quelque chose d’extérieur, la souffrance n’est pas due à cette chose mais à l’estimation que vous en faites ; et cela, vous avez le pouvoir de la changer à tout moment. »

En effet si « La gentillesse est le langage qu’un sourd peut entendre et qu’un aveugle peut voir » selon Mark Twain prenons bien conscience que « La complaisance est une disposition à s’accommoder au plaisir et aux désirs des autres. C’est le désir de plaire par intérêt et en même temps la crainte de déplaire » selon Jean-Jules Richard.

Reconnaissons que la gentillesse de Suzanne l’amène à tout accepter y compris l’inacceptable ! Personnellement je fais bien le distinguo entre la bienveillance et la complaisance. Si la première guide mes pas en revanche la seconde m’alerte sur les pilleurs de mon temps et les saccageurs de mon énergie. Il est hors de question que je me laisse déborder par une personne désinvolte et au laisser-aller systématique. Son manque de conscience professionnelle va l’amener à prendre du retard sur tout. Noyée elle fera appel aux bonnes âmes (donc aux gentils) pour la dépanner lesquelles s’en accommoderont et, comme Suzanne, prendront du retard et se feront houspiller.

Je me méfie également des mielleux et des fourbes qui m’embobinent dans leurs filets. « Ma petite chérie j’ai vraiment besoin de toi. Peux-tu venir m’aider STP ? ». Ma souriante réponse : « Avec plaisir Cunégonde. On se voit à 15 h 30 car, entretemps, je finalise un dossier urgent ». Comme il est 9 h 50 Cunégonde va obligatoirement trouver une solution avant 15 h 30 ! Elle repartira dépitée de mon bureau, reviendra à la charge une ou deux fois dans les jours suivants et finira par ne plus faire appel à moi. Il est à prévoir que Cunégonde fera circuler ce bruit : « On ne peut jamais rien demander à Josette. Elle n’est jamais disponible ». Pour être franche je l’assumerai sans complexe ni culpabilité. Chacun connaît Cunégonde mais personne n’ose en parler et encore moins lui dire ! Quant à son manager… par lâcheté, il souffre en silence ! Son crédo « Pas de vague » !

  • Dépanner un(e) collègue bosseur(euse) : OUI et avec grand plaisir.
  • Aider un(e) collègue je-m’en-foutiste : NON et c’est non négociable.
  • Servir le collectif : OUI et avec bonheur. C’est même le cœur des métiers administratifs.
  • Être le paillasson sur lequel les fainéants s’essuient les pieds : NON.

A ce propos faites bien attention les paresseux : le paillasson, un jour, peut se transformer en hérisson ! Cela dit je ne le souhaite pas pour d’évidentes raisons de crédibilité. Si vous pensez être dans cette catégorie du « gentil paillasson » prenez bien conscience qu’un jour (qui ne va pas être fait comme un autre !) vous allez exploser et votre bonté va voler en éclats ! Videz votre trop-plein de gentillesse sur des personnes méritantes et réellement bienveillantes et adoptez, dès maintenant, un comportement approprié avec les autres.

Interrogez-vous sur votre façon d’être au travail, construisez vos propres évidences et ne craignez pas vos changements de comportements (sans excès bien entendu : passer d’un extrême à un autre est fortement déstabilisant pour tout le monde). Il vous mèneront à un nouveau départ car

Rien n’est plus rare que la véritable bonté ; ceux mêmes qui croient en avoir n’ont d’ordinaire que de la complaisance ou de la faiblesse.

François de La Rochefoucauld

Tout est dit !

Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS

* Pour respecter la commémoration des attentats du 13 novembre 2015 cette date a été déplacée. Mon avis qui n’engage que moi : j’aurais justement laissé cette date du 13 novembre symbole de notre forte résilience !

** J’ai changé le prénom mais Suzanne existe réellement. C’est une de mes stagiaires et je n’ai rien inventé : elle vivait ce genre de journées. Depuis sa formation elle sait refuser mais son altruisme est bien présent.