Pourrais-je rédiger un billet sans que mon idée initiale soit chamboulée par l’actualité ? J’en arrive à douter. Les incessants rebondissements nous assaillent et je suis amenée à entamer une nouvelle réflexion qui anéantit mes projets rédactionnels.
Pour ce long billet d’octobre j’ai donc décidé d’écrire sur la Reine Elizabeth II et nous ! Parfaitement consciente que le rapport entre elle et le secrétariat/assistanat était insensé voire ubuesque, sa disparition a cependant provoqué mon imaginaire, a aiguillonné ma pensée et vous en comprendrez la concordance – du moins je l’espère – après mon déroulé émaillé de nombreuses citations très adaptées au contexte.
On peut ne pas être monarchiste, détester tout ce qui touche à la royauté, s’insurger face aux privilèges détenus, critiquer la magnificence royale et être viscéralement républicain… mais reconnaissons que la Reine avait cette élévation d’âme pour susciter autant de ferveur et d’intérêt dans notre monde tourmenté ! D’ailleurs Charles-Maurice de Talleyrand l’expliquait très bien «Là où tant d’hommes ont échoué, une femme peut réussir» et quelle réussite !
Ce 8 septembre un double arc-en-ciel jaillissait juste au-dessus de Buckingham Palace à Londres comme si Elizabeth nous signifiait qu’elle retrouvait enfin son Philip. Elle l’aimait, il l’aimait. Cela m’a touchée et, j’ose l’écrire, bouleversée car j’ai vécu certains signes après le décès de mon adoré époux. On peut ne pas y croire mais c’est un fait : le double arc-en-ciel était bien présent. Ensemble, ils ont tout surmonté, le lumineux comme le sombre, le délectable comme l’horrible. « Le chagrin est le prix que l’amour nous fait payer » avait-elle dit. L’amour est plus fort que tout et ils sont réunis éternellement.
Nommer sa majesté par son simple prénom choquera peut-être nos amis britanniques ! La française républicaine que je suis peut se le permettre d’autant que c’est la femme qui parle d’une autre femme et qui tente, humblement et très respectueusement, de nous mettre à son niveau !
« Nous mettre à son niveau ! Josette perd la tête ! ». Rassurez-vous. Nous comparer à la Reine serait pure folie mais il n’en demeure pas moins vrai que c’était un être humain avec toute la complexité qui caractérise chacune et chacun de nous. L’analogie avec le secrétariat/assistanat, même inimaginable voire complètement délirante, m’a semblé cependant appropriée et puis… j’aime relier les individus, les choses et les évènements entre eux.
LA REINE
Rien ne prédestinait la petite Élizabeth Alexandra Mary Windsor, née le 21 avril 1926, à gravir un jour les marches du trône. Et pourtant… « Je n’étais pas un messie, mais un homme ordinaire qui était devenu un leader en raison de circonstances extraordinaires » Nelson Mandela.
Elle aurait pu, comme son oncle, refuser cette couronne et passer la main à sa sœur. Elle aurait aimé, aux dires des spécialistes, être une femme de la terre s’occupant de sa famille, de ses chevaux, de ses corgis et de ses plantations. La destinée en a décidé autrement et Shakespeare a dû la soutenir « La vie est un théâtre où chacun doit jouer son rôle ». Femme de devoir et de parole elle a parfaitement tenu son rôle jusqu’à son dernier souffle et a assumé sa royale fonction avec abnégation. « Le secret d’une vie réussie, c’est de savoir ce qu’on est destiné à faire et ensuite le faire » Henry Ford.
NOUS
D’après mes modestes statistiques 66 % n’ont pas choisi de devenir secrétaire/assistant(e)s. Le métier (la profession si vous préférez) s’est imposée. Ce chiffre est énorme d’autant que 24 % ne l’ont toujours pas accepté ! Nous aurions préféré naviguer ailleurs ! Alors… qu’attendons-nous pour le faire ? Si c’est impossible alors appliquons le principe de vaillance d’Aristote « Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprenons en le faisant » et armons-nous de courage « Si vous traversez l’enfer continuez d’avancer » Winston Churchill.
LA REINE
« Je dois être vue pour être crue » a-t-elle expliqué. Certains glosaient sur ses chatoyantes tenues vestimentaires et ses incomparables chapeaux assortis. D’autres, dont je faisais partie, considéraient qu’elle avait raison. Elle illuminait le monde entier et sa présence colorée imposait grandeur, éclat et respect.
NOUS
« Tout le monde nous ignore ! Nous sommes transparent(e)s et ne sommes pas reconnu(e)s » ressassent certain(e)s secrétaires/assistant(e)s. Mes questions sont simples : que faisons-nous et quelles sont nos actions marquantes pour être vu(e)s, connu(e)s et reconnu(e)s ? « Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même » selon Friedrich Nietzsche sans oublier René Char « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne ».
LA REINE
Observance d’une stricte neutralité politique, elle se devait de garder le silence. Ne jamais donner son avis : un défi presque inhumain et, cependant, tout dire subtilement et délicatement : une remarquable prouesse pendant ses 70 ans de règne. Souvenons-nous de son chapeau bleu orné de fleurs au cœur jaune (les mêmes que celles du drapeau européen), lors de son discours d’ouverture du Parlement britannique le 21 juin 2017 à Londres. Un geste de la reine perçu par de nombreux observateurs comme un clin d’œil à l’Union européenne, en pleine période de Brexit.
NOUS
« Autant que nous nous taisions, on ne nous écoute jamais ! » Posons-nous la question de savoir pourquoi on ne nous écoute pas et quels signes envoyons-nous aux autres pour être écouté(e)s. Les signes de reconnaissance conditionnels sont donnés pour ce que l’on fait. Les signes de reconnaissance inconditionnels sont donnés pour ce que l’on est. J’y reviendrai dans un prochain billet… du moins je l’espère si la brûlante actualité me laisse libre de mes pensées !
LA REINE
Elizabeth II, comme chacun le sait, ne gouvernait pas. Le célèbre « Never complain, never explain »* a marqué plusieurs générations. En effet il s’agit du conseil que la reine Victoria, l’arrière-grand-mère d’Elizabeth II, avait donné à son fils le futur Edward VII quand ce dernier était encore enfant. Curieuse consigne mais ô combien astucieuse ! Si on ne se plaint pas, les explications à donner sur les raisons de son mécontentement s’avèrent inutiles. De plus cela limite les déboires, les complications et les dangereuses voire sulfureuses interprétations. Je m’autorise un avis personnel : si on se plaint on offre un cadeau à ses ennemis !
NOUS
Reconnaissons que certain(e)s employé(e)s, secrétaires, assistant(e)s gémissent et se plaignent exagérément. Certes les causes peuvent être justifiées ce dont personne ne doute. En outre, c’est bien connu, notre peuple râle (moi la première) mais… trop c’est trop et deux questions se posent : les constants gémissements et plaintes font-ils avancer positivement et les résultats sont-ils à la hauteur des attentes ?
Les réponses sont négatives et s’expliquent aisément : ces pleureuses et pleureurs ne sont pas pris au sérieux et renforcent l’idée d’opposition par leurs incessantes jérémiades. Je l’ai déjà signalé de nombreuses fois dans mes précédents billets : arrivez avec des preuves et des chiffres et soyez factuel(le)s pour être entendu(e)s.
Henry Ford « Vous ne pouvez pas bâtir votre réputation sur ce que vous allez faire mais vous l’avez bâti sur ce que vous avez fait » et Johann Wolfgang von Goethe « Jouis de ce que tu peux, supporte ce que tu dois » nous l’ont bien fait comprendre. C’est gâcher les précieuses heures de sa vie que d’arriver démoralisé(e)s et larmoyant(e)s chaque matin !
LA REINE
Aux dires des observateurs elle était informée de tout sur tout grâce à sa puissance de travail et aux documents glissés quotidiennement dans sa célèbre «boîte rouge». Depuis le début de son règne, elle accordait, chaque semaine, une audience à son chef du gouvernement afin que celle-ci ou celui-ci puisse lui faire un rapport hebdomadaire. Une conversation en tête-à-tête, à l’abri des regards et qui demeurait strictement confidentielle. On peut supposer que tous les sujets étaient abordés puisqu’Elizabeth savait tout ! Une époustouflante boucle mémorielle !
Je me suis toujours interrogée (et m’interroge encore) sur son pouvoir d’influence dans les coulisses de sa royale demeure. À jamais éloignée du secret des Dieux je reste pourtant convaincue qu’un grand nombre de ses Premiers ministres l’ont écoutée et ont tenu compte de ses remarques car « Tous ont fini par apprécier ces moments comme les plus précieux de la semaine », soulignait Robert Lacey, historien et biographe dans le documentaire « Downing Street – Au service de Sa Majesté ».
Un exemple : Elizabeth a fait céder Winston Churchill, son mentor et tout Premier ministre, totalement réfractaire à l’idée de filmer son couronnement. Elle avait raison : ce fut l’évènement télévisuel mondial ce 2 juin 1953.
NOUS
Avons-vous noté comme notre manager écoutait attentivement nos réflexions toujours fondées et basées sur le bon sens ? Avons-nous remarqué que, fréquemment, il prenait la décision finale en fonction de ce que nous lui avions signalé et/ou suggéré ? Bref… avons-nous conscience de notre pouvoir d’influence et l’avons-nous mesuré ? Il est bien réel pour celles et ceux qui s’investissent quotidiennement et font montre d’assurance, d’objectivité, de pertinence et de professionnalisme.
Je n’exagère pas car je l’ai vécu à maintes reprises. Par exemple je me souviens avoir répété plus de 10 fois à mon boss de l’époque « Si j’étais à votre place j’irais rapidement faire un tour au service machinchose ». Très ulcéré par mon incessant rabâchage il a fini par y aller en maugréant et… y est resté la journée ! Je le revoie, passant devant mon bureau en fin d’après-midi, me saluant d’une façon militaire et m’assénant un tonitruant « Merci ». Un vent de fort mécontentement, de rébellion voire de grève soufflait sur ce service et était arrivé à mes oreilles. Dénoncer qui que ce soit était inconcevable mais mon devoir était d’alerter rapidement le directeur en raison des désastreuses conséquences auxquelles il aurait dû faire face.
LA REINE
Elizabeth était un socle de permanence dans un monde d’impermanence, le symbole historique et le lien indéfectible qui unissaient son peuple. « Nous ne vivons pas seulement à notre époque. Nous portons toute notre histoire avec nous » Jostein Gaarder. Son devoir : maintenir la stabilité dans ce monde en ébullition et respecter sa parole par l’exemplarité. Finalement être tout simplement présente.
Petit retour en arrière : le jour de ses 21 ans le 21 avril 1947 au Cap, elle prononce son premier discours de princesse héritière : « Je déclare devant vous tous que toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, sera dédiée à votre service et au service de notre grande famille du Commonwealth, empire auquel nous appartenons tous ». Vous avez tenu votre parole pendant 70 ans. Votre « contrat moral » est rempli Elizabeth et vous pouvez reposer en paix.
Son dernier acte officiel m’a fortement interpellée : nommer sa Première ministre. Comme Elizabeth semblait fragile avec sa canne et sa main bleutée mais comme son éclatant sourire et ses yeux pétillants respiraient la force et la grandeur. « La pire des défaites : celle d’avoir refusé le combat » Gérard d’Aboville.
Là encore je ne peux faire qu’une supposition, basculer dans l’interprétation et vous faire part de mon ressenti : j’ai le sentiment qu’Elizabeth avait décidé d’assumer son rôle jusqu’au bout et qu’il fallait absolument qu’elle nomme sa Première ministre avant de rejoindre son Philip. Comme un appel à la stabilité dans ce monde chaotique. Quelle leçon pour nous tous Madame ! C’est tout simplement admirable à 96 ans. « Donner l’exemple n’est pas le principal moyen d’influencer les autres, c’est le seul moyen » Albert Einstein.
NOUS
Nous sommes bien présent(e)s. Notre manager, notre équipe savent qu’ils peuvent s’appuyer sur nous et nous faire confiance. Notre neutralité, notre clairvoyance, notre pondération et nos attitudes et comportement adaptés les rassurent. Notre assiduité les réconforte, les booste pour certains(e)s et nous sommes un rempart, un pilier contre l’adversité quotidienne. Nous veillons à leur bien-être et allégeons leurs activités. Quant aux tracas journaliers… nous sommes les reines et les rois du délestage ! Notre rôle va bien au-delà de la maîtrise des outils car « Vous n’avez pas besoin d’un poste pour être un leader » Henry Ford et « Chacun à son métier doit toujours s’attacher » Jean de La Fontaine.
LA REINE
« Féconder le passé en engendrant l’avenir, tel est le sens du présent ». J’ignore si Elizabeth connaissait cette citation de Friedrich Nietzsche mais, une chose est certaine, elle incarnait magistralement et glorieusement le passé et impulsait l’avenir pour ses successeurs.
Faut-il avoir un remarquable sens de l’humour pour côtoyer James Bond et l’ours Paddington tout en conservant les traditions séculaires ! Je présume sa vision : « L’intelligence de la vie… Ce mélange si particulier de respect des convenances et de largeur d’esprit, cette faculté de comprendre avant de savoir » Jean Dutourd.
NOUS
Intéressons-nous à ce qui se passe dans nos structures respectives. Allons vers les autres. Ouvrons large notre esprit pour accepter et vivre les changements. Saisissons les opportunités. Conservons les éléments productifs du passé et accueillons la nouveauté avec intérêt et joie. Faisons très sérieusement ce que nous devons faire sans jamais nous prendre au sérieux. Appliquons chaque jour la préconisation de Jean-Pierre Claris de Florian « Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir. Souvenez-vous que, dans la vie, sans un peu de travail on n’a point de plaisir ».
LA REINE
Aux dires de certains chroniqueurs, d’observateurs, de ministres… Elizabeth montrait des velléités d’émancipation et multipliait les signes d’un caractère bien trempé. Winston Churchill écrit à son sujet, alors qu’elle n’a que deux ans : « Elle a un air d’autorité et de réflexion époustouflant pour un enfant ».
À 14 ans, elle fait sa première allocution publique. À 15 ans, elle est nommée colonel en chef des Grenadiers Guards. Un an plus tard, elle fait l’inspection de ses troupes. À 18 ans, contre l’avis de son père, elle s’enrôle dans le Service Territorial Auxiliaire. Elle y suit une formation de chauffeur et de mécanicien. En 1945, elle décide de rejoindre l’Auxiliary Territorial Service (ATS), un service de femmes volontaires de l’armée de terre du Royaume-Uni, créé en 1938 pour servir lors de la Seconde Guerre mondiale.
Bien des années plus tard, dans Ever the Diplomat: Confessions of a Foreign Office Mandarin, le diplomate britannique Sherard Cowper-Coles, ambassadeur en Arabie saoudite entre 2003 et 2006, rapporte une anecdote sur la visite officielle du roi Abdallah à Balmoral en 1998.
Après le déjeuner, Elizabeth II propose au souverain saoudien de visiter le domaine. Des Land Rovers sont garées devant le palais et, conformément aux instructions, le prince s’installe dans le véhicule de tête, sur le fauteuil passager. Son interprète prend place sur la banquette arrière. Mais à la surprise générale, c’est la reine d’Angleterre qui prend le volant. À ce moment-là, les femmes n’ont pas encore le droit de conduire en Arabie saoudite (droit acquis depuis 2018). Et c’est même avec une conduite plutôt sportive qu’Élizabeth II dévale les petites routes écossaises du domaine, tout en discutant. Abdallah, visiblement peu à l’aise, demande à son interprète d’inviter la souveraine à ralentir et à se concentrer sur sa conduite… Le diplomate raconte ceci : « Sa nervosité augmente à mesure que la reine, une conductrice de l’armée lors de la Seconde Guerre mondiale, accélère, le long des routes écossaises étroites, sans cesser de parler. » Source TV5 monde.
Pourquoi ce panégyrique ? Parce qu’Elizabeth était une icône féministe malgré elle !
NOUS
Dans les siècles passés le métier/la profession était essentiellement masculin et s’est féminisé à la fin du XIX siècle. Aujourd’hui il est majoritairement féminin mais quelques hommes y brillent fortement. Loin de moi l’idée de vous en raconter l’Histoire. Là encore c’est un projet pour un lointain billet ! En attendant notre devoir est d’être les référentes (j’insiste sur le féminin) exemplaires pour les jeunes générations. Portons-le haut et fort pour le promouvoir. Personne ne peut le faire à notre place et « Fais chacun de tes gestes comme si c’était le dernier de ta vie » Marc Aurèle.
POUR CONCLURE
Quel long billet ! J’aurais pu le doubler, le tripler… tant Elizabeth était fascinante. Je reconnais qu’établir un parallèle entre la Reine et nous était audacieux et risqué mais elle incarnait, à mes yeux, un mot fondamental : la dignité.
Appliquons ce que nous a enseigné Aristote « Être heureux ne signifie pas que tout est parfait. Cela signifie que vous avez décidé de regarder au-delà des imperfections ». Notre monde, Elizabeth, vous, moi sommes très éloignés de la perfection mais certaines personnes sont plus inspirant(e)s que d’autres pour nous montrer la bonne direction n’est-ce pas ? Au fait
« Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris. »
Oscar Wilde
Tout est dit !
Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS
* Ne jamais se plaindre, ne jamais expliquer (ou se justifier).