Bien consciente que le verbe «billeter» n’existe pas je m’arroge cependant le droit de le créer. Deux raisons à cela : je ne me prive pas du plaisir rare d’inventer un nouveau mot mais, plus sérieusement, je vais faire appel à vous pour un autre type de billet.
Cet été Maryse Eballard* et moi avons partagé un joyeux moment devant un splendide château. Deux bavardes passionnées qui se retrouvent déversent obligatoirement une foultitude d’idées et Maryse a lancé celle-ci :
«Et si nous donnions la parole à nos adhérent(e)s dans notre newsletter !».
J’y ai souscrit immédiatement et l’ai applaudie chaleureusement. Sa suggestion était tellement fondée que je me suis demandé pourquoi je n’y avais pas pensé avant ! A certains moments je me mettrais des claques quand je passe à côté de choses aussi sensées et flagrantes.
Puisque je suis dans un mode rédactionnel pour ce billet autant y rester ! Ainsi je vous livre, ci-dessous, quelques préconisations purement professionnelles pour celles et ceux angoissés par la feuille ou l’écran blancs ! Tranquillisez-vous : un billet ffmassien à paraître dans la newsletter entre dans une catégorie beaucoup plus détendue. En effet j’imagine la tête ébahie d’un client lisant ma phrase «je me mettrais des claques» dans une lettre ou un courriel ! À bien y réfléchir il ne serait pas surpris me connaissant depuis longtemps mais je m’abstiendrai ! Je tiens à ma dignité et à ma réputation !
Les vacances sont passées et les cartes postales avec. Agréables moments d’écriture qui ponctuent d’autres moments encore plus plaisants. Si nous savons jeter nos pensées et nos émotions sur ce charmant petit morceau de carton coloré (ou pas !) en revanche, nous sommes nombreux(ses) à sécher devant une feuille vierge ou un écran désespérément blanc. Reconnaissons qu’informer un client de son incapacité à satisfaire d’insensées exigences, exprimer vigoureusement son mécontentement à un fournisseur, rédiger tout en douceur une note sur les dernières mesures sanitaires ou synthétiser, dans un compte rendu «chic et choc», le «tsunami» de paroles des participants lors d’une réunion brainstorming, relèvent d’un tour de force et ne font pas partie des tâches exaltantes !
Pour une minorité exprimer ses idées est un réel plaisir : écriture fluide, vocabulaire riche, inspiration fourmillante… Pour la majorité le cerveau est en surchauffe ! En effet cet acte demande une mobilisation et une énergie parfois disproportionnées face au piètre résultat. L’ordonnancement des idées fait flop, les mots justes et percutants restent coincés dans le clavier ou la plume, des détails inutiles noient l’essentiel, quant au style c’est un échec lamentable : il n’est pas du tout approprié à la situation de communication. De surcroît, les écrits professionnels du XXIème siècle ont considérablement évolué et le personnel administratif doit prouver son implication et révéler son esprit novateur dans ce travail quotidien.
Rassurez-vous. Pour cette majorité, rien n’est perdu. Si les talents de Voltaire, d’Hugo, de d’Ormesson ou d’Hugeux ne sont pas au rendez-vous, rédiger un écrit professionnel est, en revanche, à la portée de tout le monde.
Un écrit professionneln’est ni un exercice de style pour démontrer votre capacité d’écrivain, ni un article de presse pour jauger vos compétences journalistiques. Bien communiquer dans le monde professionnel c’est écrire simplement et Jacques Bojin d’ajouter «Pour bien communiquer ne cherchez pas à faire de belles phrases mais efforcez-vous d’écrire avec clarté et concision».
Pour accrocher rapidement le récepteur et lui éviter, ainsi, de relire 5 fois votre écrit pour comprendre ce que vous avez voulu exprimer, certaines règles doivent être appliquées : un écrit professionnel est informatif, structuré et s’ancre dans la règle des 5 «C» Clair – Complet – Concis – Correct – Courtois. Pour les courriels il convient d’y ajouter la Prudence et le Respect. Par exemple un «Cdt» (pire : rien du tout !) à la fin d’un message électronique est incorrect et marque l’irrespect.
L’objectif de l’écrit professionnel est toujours précis. Le ton est banal. Le style est dépouillé et la forme, certes plaisante, se doit d’être neutre car c’est le fond qui importe au(x) lecteur(s). A cet égard Eugène Delacroix nous guide vers l’essentiel : «L’art d’écrire est avant tout de se faire comprendre».
Souvenez-vous de vos cours de «Correspondance commerciale» (à ce sujet pourquoi les écrits professionnels étaient-ils nommés ainsi ? À croire que les écrits juridiques, financiers et autres n’existaient pas !) : votre intransigeant professeur (et le mien par la même occasion) vous a seriné «Vous ne devez pas écrire comme vous parlez». Résultat affligeant : aujourd’hui, vous restez inerte devant ces stupides feuilles et écrans blancs et vous vous interrogez : «Par quoi commencer ? Comment structurer ma pensée ? Comment satisfaire mon manager lequel, jamais content, rature et modifie systématiquement ma prose ?…».
Ne paniquez plus et faites donc le contraire : rédigez comme si vous parliez. Si votre destinataire était en face de vous ou au téléphone que lui diriez-vous et comment le lui diriez-vous ? Vous seriez très certainement à l’aise alors :
- Déterminez bien la situation de communication. Qui écrit à qui : client, fournisseur, administré, partenaire, Ministre, Maire, huissier, avocat, Président, N+1, 2, 3, collègue… ? Posez systématiquement ce postulat car il vous obligera à ajuster votre langage et à bien cibler vos formules d’interpellation et de politesse. Cela dit méfiez-vous : votre écrit à un collègue peut être transféré et… circuler !
- Partez d’un objectif. Les raisons d’écrire sont multiples : informer, commander, comprendre, relater, réclamer, présenter, proposer, obtenir, contraindre, séquencer, harmoniser, négocier, exiger, améliorer, déclencher,… Clarifiez votre objectif et vous rédigerez plus aisément.
- Ne mélangez pas les sujets : un seul objectif, pas deux et encore moins trois ! La célèbre phrase «Nous profitons de ce courriel pour vous informer…» sera donc définitivement supprimée. Vous l’informerez via un second message.
- Prenez connaissance de l’ensemble du dossier ou du cas à traiter et procédez à une lecture attentive de l’ensemble des documents. Fréquemment des éléments de réponse s’y trouvent.
- Notez tout, y compris les phrases les plus sensibles, désinvoltes voire farfelues ou osées qui vous passent par la tête. Vous trierez vos phrases et rédigerez correctement plus tard. L’important est de collecter en vrac toutes les données.
- Surtout ne vous auto-censurez pas. «Je ne peux quand même pas écrire ce mot». SI ! C’est justement CE mot qui vous vient à l’esprit. Vous le modifierez après lui aussi. C’est le sens qui importe.
- Triez toutes vos notes en 3 parties : introduction, développement, conclusion. Retenez que l’introduction relate toujours des faits passés, le développement se détermine par des faits présents et la conclusion se tourne vers le futur.
Reprenez votre écrit :
- Troquez votre langage parlé, vos expressions et mots relâchés contre un langage, des expressions et mots professionnels minutieusement choisis et adaptés au contexte. Concernant votre «jargon maison», parfaitement maîtrisé par l’ensemble des membres de votre service, assurez-vous que vos autres lecteurs le comprennent avant de l’utiliser ;
- Respectez la chronologie évènementielle. Le flash-back c’est génial au cinéma ou dans un roman, pas dans un écrit professionnel ;
- Pensez qu’une phrase possède toujours un verbe conjugué (maximum deux). La phrase sans verbe n’existe pas dans les écrits professionnels ;
- Vérifiez la longueur de vos phrases : 2 lignes au maximum. Le nombre de mots ne doit jamais dépasser 30 par phrase (plutôt 25 d’ailleurs !). Un doute vous assaille : cliquez sur les statistiques ;
- Veillez à leurs constructions : sujet + (pronom) + verbe + complément. Certes, c’est ce qui se nomme la banalité stylistique mais c’est simple et bougrement efficace en lisibilité et compréhension ;
- Appliquez : une idée = une phrase, deux idées = deux phrases… ;
- Surveillez l’enchaînement des propositions : il doit être logique et fluide ;
- Insérez des petits mots de liaison : pour connecter les paragraphes entre eux il n’y a pas mieux ;
- Ponctuez astucieusement. Une virgule mal placée et la phrase change de sens. Par manque de virgule votre récepteur peut s’étouffer à la lecture de votre écrit : la respiration vient à lui manquer ;
- Allégez vos phrases et supprimez les multiples petits mots très lourds : «qui», «que», «car», «donc». Les gérondifs (participe présent précédé de «en») font aussi partie du lot des suppressions ;
- Adoptez des variantes pour éliminer toute monotonie : allez chercher dans la phrase un complément circonstanciel (lieu, temps, manière) et placez-le en tête de phrase. Vous éviterez, ainsi, la répétition du «Nous» en début de phrase et la virgule, placée après le complément, jouera son rôle d’allègement ;
- Chassez les répétitions. C’est le travail de toilettage de votre écrit.
- Soignez votre formule d’interpellation. Elle doit correspondre à la 1ère ligne de votre suscription pour une lettre et à votre/vos destinataire(s) pour un courriel.
- Exprimez votre état d’esprit par une formule de conclusion appropriée.
- Optez pour une formule de politesse adaptée au(x) récepteur(s). Retenez que cette formule est inexistante dans les notes internes mais bien présente dans les lettres et courriels.
- Relisez-vous : les fautes d’orthographe sont du plus mauvais effet ! De plus
«Il a été porvué que l’ordemonnancent des lerttes
dnas le crops d’un mot n’aavit auunce inidencice
sur notre mnanèire de lire un txete
si la priemèreet la drenière snot bien plcaées.»
Ce que vous venez de lire peut sembler curieux mais c’est pourtant statistiquement prouvé. C’est pourquoi il convient de relire un texte au moins une fois (deux c’est mieux !) en partant du bas.
- Aérez votre texte : les paragraphes existent aussi pour les messages électroniques !
- Si vous êtes réellement bloqué(e) dévorez les ouvrages de Michelle Fayet. Je la nomme la «Reine» des écrits professionnels tant son expertise est incomparable. Ses nombreux livres sont une source d’inspiration inépuisable et ses explications sont lumineuses et accessibles à tous. Grâce à elle vos nouvelles compétences feront l’admiration de vos collègues, votre manager n’osera plus mettre sa «patte» dans vos écrits : ils seront parfaits et vous verrez votre syndrome feuilles et écrans blancs disparaître comme par enchantement.
Enfin, si rien de tout cela ne vous convient, inventez alors votre méthode comme Le Chat de Philippe Geluk qui n’a plus «l’angoisse de la page blanche depuis qu’il dessine sur des feuilles de couleurs»…
Tout est dit !
Il ne vous reste plus qu’à faire briller votre méthode !
À l’immense plaisir de vous lire.
Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS
* En photo sur l’image, Maryse est la Présidente de la FFMAS Touraine et chargée de la communication donc de la newsletter au sein de l’équipe fédérale.
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