Surcharge de travail, pression managériale, bureau «hall de gare» malgré la pandémie, océan d’urgences, messagerie saturée, sonnerie téléphonique continuelle, incessantes parlottes des collègues certes charmants mais envahissants, multiples retards dus à la procrastination, quotidien familial suffocant… Si vous vivez tout cela, n’arrivez plus à faire face et n’avez rien compris à «La marchande de temps» de décembre je vous invite à prendre connaissance de la petite histoire ci-dessous et de quelques préconisations pour ne plus vous laissez détourner des vraies priorités.
Ce mercredi votre mère a emmené votre enfant au parc. Une heure plus tard votre tout petit s’est fait écraser le pouce de sa main droite en jouant. Téléphone… Pompiers… Urgences… Angoissé(e), vous arrivez à l’hôpital et, sidéré(e), vous découvrez, assis dans la salle d’attente, votre mère accablée et votre bébé d’amour gémissant et apeuré. Votre exaspération est à son comble. Vous fustigez, que dis-je, vous incendiez la secrétaire médicale laquelle, très professionnelle, vous rassure. L’urgentiste a bien ausculté votre enfant et il revient dans 30 minutes. Vous êtes scandalisé(e), au bord de la crise de nerfs et vous hurlez. Comment peut-on laisser la chair de votre chair souffrir ainsi ? Pendant que le docteur Tartempion auscultait votre enfant les pompiers amenaient aux urgences Monsieur Machin que vous ne connaissez pas et ne connaîtrez jamais. Blême, tordu de douleur, le diagnostic est tombé : rupture d’anévrisme. Le docteur Tartempion a priorisé et s’est occupé de Monsieur Machin en premier.
Tirez-en les conclusions et appliquez quelques règles.
Quelques règles
- Chassez l’affect : ma petite histoire est révélatrice. Si les urgentistes avaient fonctionné comme vous votre enfant aurait été prioritaire. Pour tous les parents aimants c’est une évidence. Pas pour les urgentistes ! Professionnellement le simple fait de «bien aimer Hermégilde parce qu’il est sympa» ou de «détester Cunégonde parce qu’elle est odieuse» vous éloigne, à pas de géant, des priorités. C’est votre cœur qui fonctionne, pas votre cerveau ! Ce sont toujours vos méninges qui tracent le chemin de l’objectivité et pointent les vraies priorités dissoutes dans les flots de votre affect.
- Soyez déterminé(e) et affirmez-vous. Prioriser c’est faire des choix, les assumer et prendre le risque de déplaire. En l’occurrence plaire n’est pas la priorité du docteur Tartempion : il reste professionnel en toutes circonstances. À titre d’exemple, quand j’aborde la gestion des priorités, j’informe mes stagiaires que «Je suis là pour atteindre mes objectifs et que vous progressiez, pas pour être aimée. Si vous m’appréciez ce sera la cerise sur le gâteau mais n’est pas ma priorité». Je lis l’ahurissement sur leur visage et certain(e)s m’avouent, plus tard, patauger fréquemment dans l’affect et n’arrivent plus à réagir objectivement. À ce sujet je vous suggère de relire mon billet «Oui à la bienveillance ! Non à la complaisance !».
- Ayez en permanence une casserole de lait sur le feu ! Prioriser c’est avoir une vigilance accrue et ininterrompue. J’insiste lourdement sur ininterrompue ! Le quotidien professionnel est jonché de multiples détails importants, eux-mêmes chassés par d’autres sérieux éléments ensevelis sous des particularités encore plus essentielles ! Il y a de quoi tourner maboule si la vigilance fait défaut !
- Dialoguez avec votre manager. Faites-lui valider ses critères d’urgence et d’importance et demandez-lui de vous expliquer son essentiel donc ses priorités. En effet, ses critères sont rarement (voire jamais !) les mêmes que les vôtres. De plus ses priorités peuvent changer en fonction du contexte, des récentes directives, des attentes clients… À cet égard, et si rien ne vient bousculer mes idées, je vous fournirai l’outil lors de mon prochain billet à savoir votre grille d’analyse de fonction. J’avais abordé ce sujet dans mon billet «Télétravailler ou pas !». Au fait, vous changez de manager, recommencez ! Les critères de Nicolas peuvent varier de ceux de Marielle ! Ils peuvent aussi être totalement opposés !
- Distinguez l’urgence de l’importance. Ce qui est urgent n’est pas obligatoirement important. Ce qui est important n’est pas nécessairement urgent. La confusion est bien réelle aussi prenons deux exemples : la réponse à l’appel d’offres auquel votre manager tient comme à la prunelle de ses yeux est d’une forte importance et son urgence est bien réelle car vous ne pouvez pas changer la deadline fixée par le client. La facturation est d’une extrême importance puisque, grâce à elle, les petits sous rentrent dans la caisse. Son urgence est moindre : si vous ne facturez pas mardi vous pourrez le faire mercredi.
- Travaillez par objectifs : objectifs du service, de la fonction de votre supérieur hiérarchique, de votre fonction (réalisez votre descriptif : vous y verrez plus clair !) et objectifs de votre vie privée. Il ne vous aura pas échappé que j’inclus vos objectifs personnels. Analysons un exemple : tous les vendredis soir vous avez piscine (tricot, jogging, yoga, cuisine, échec, zumba… si vous préférez). Ces deux heures vous ressourcent, vous dynamisent et vous en avez besoin pour votre équilibre. Chaque vendredi la cohorte des commerciaux débarque et vous êtes submergé(e). Le nombre de fois où vous avez annulé votre rendez-vous piscine est incalculable et vous sentez la frustration et l’énervement grandir en vous. Avez-vous tenté de changer le jour de votre rendez-vous piscine ? Non ! Qu’attendez-vous ? Oui ! Il n’y a malheureusement pas d’autre jour dans la semaine alors avez-vous signalé que vous deviez quitter impérativement le bureau à 18 h chaque vendredi ? Non ! Pourquoi ne l’avez-vous pas exprimé ? Oui ! Pourquoi n’y arrivez-vous pas puisque c’est vital pour vous ? À cet égard relisez le début de mes préconisations. Une fois ces objectifs (pro et perso) clairement identifiés et formalisés les priorités se dégageront plus aisément. Pensez-y lors de votre entretien annuel et vérifiez l’adéquation entre vos règles du jeu et celles des autres.
- Concevez un planning/tableau de bord de l’ensemble de vos actions à effectuer sur une année ou toute autre période. Une visualisation factuelle est toujours plus parlante ! Prenez des jumelles pour anticiper le court terme, une longue vue pour prévenir le moyen terme et un télescope pour imaginer le futur (Mon billet d’aération semaine 5). À cela ajoutez-y la boussole : elle vous permettra de garder le cap en cas de dérive et de recalibrer votre concentration.
- Passez au crible, sans aucune indulgence, votre organisation quotidienne. Surveillez scrupuleusement l’accessoire – c’est un fort pollueur de priorités – et éliminez l’inutile si vous le pouvez.
- Ne luttez pas contre le changement de priorités et passez en mode agile. Votre structure, votre manager… ont le droit de changer de priorités. Cela ne sert à rien de lutter contre et de ronchonner sinon que de perdre du temps et de l’énergie.
- Débusquez tous les éléments chronophages qui vous éloignent des priorités à commencer par vos propres voleurs internes. J’y reviendrai dans un prochain billet car ils sont nombreux ! Un est déjà cité au début de ce billet : la procrastination.
- Notez tout ce qui se passe. Vous avez été amené(e) à changer plusieurs fois l’ordre des priorités sur un dossier récurrent, spécifique et sensible : cela peut se reproduire et vos notes seront un excellent aide-mémoire et un précieux allié.
- Préparez la veille votre lendemain. Vous dormirez tranquillement et commencerez votre journée détendu(e). Cette to-do list ou fiche de priorités vous indiquera précisément la chronologie événementielle et les priorités, dégagées des postériorités, vous sauteront aux yeux.
- Optez pour la méthode des 2 D inséparables. Délai et Durée sont indissociables et mariés à tout jamais. Vous les séparez : adieu la gestion des priorités ! Faites-vous toujours clarifier le délai : pour quand ? («C’est urgent» ne veut rien dire !). Soyez précis(e) sur vos durées d’exécution : combien de temps vous faut-il pour réaliser la tâche ? Vérifiez-en la compatibilité. La non-faisabilité vous permettra, preuves et chiffres à l’appui, de négocier.
- Gardez du temps. Une tâche prioritaire peut vous «tomber dessus» le jour même. Si votre timing est archi serré vous ne parviendrez pas à la réaliser. Mon conseil : conservez 40 % de votre temps.
- Préparez vos arguments pour pouvoir refuser diplomatiquement et adroitement ce qui n’est pas la priorité du moment. Lancer un «Non» péremptoire à la figure d’un collaborateur qui vous demande de modifier quatre diapositives n’est pas professionnel. Pas faute de vous l’avoir seriné mais j’y reviendrai… dans quelques temps !
- Opérez un contrôle continu. Faites un point chaque soir, chaque semaine, chaque mois, chaque trimestre et un bilan exhaustif chaque année. Là encore listez tout, complétez votre planning/tableau de bord et ne l’oubliez pas lors de votre entretien annuel. Vos différentes mises à jour reflètent votre professionnalisme.
- Montez l’escalier selon le schéma de l’image. Gravissez-le de la 1ère à la 4ème. Cela implique que les ordres d’urgence et d’importance de chaque tâche, chaque activité, chaque mission, chaque objectif ont été validés par votre manager. Quant au point d’interrogation posez-vous la question de l’utilité d’effectuer telle tâche. À ce sujet les corbeilles* existent y compris virtuellement !
Ce point particulier mérite une explication d’où mon émoji dubitatif. En effet, selon la matrice représentée ci-dessous inspirée de celle de Dwight David Eisenhower, 34ème président des USA considéré comme un champion en matière de productivité, vous noterez que les quadrants 2 et 3 contredisent mes 2ème et 3ème marches ! Cette matrice s’applique pour des managers et j’y adhère totalement. En revanche je considère que les priorités du personnel administratifs, indissociables de celles des managers, ne peuvent être celles des quadrants. et leur ordre, par la force des attendus, s’en trouve bouleversé. En effet je vois mal un(e) assistant(e) désavouer son manager sur la répartition de ses urgences et de ses importances ! De plus tous les sites relatifs aux priorités sont unanimes : mesdames et messieurs les managers déléguez, déléguez et déléguez vos priorités du quadrant 3. Si la chose est envisageable pour certain(e)s office-managers elle est rarissime voire impossible pour la majorité des secrétaires/assistant(e)s ! Quant aux employé(e)s elle relève du fantasme !
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Pour bien me faire comprendre, voici le vécu d’une de mes stagiaires : à la suite d’une manifestation d’envergure triomphale de 2 jours, son manager, euphorique et enflammé par la réussite, décide (comme une subite envie de faire pipi !) à la clôture de la manifestation le vendredi soir 17 h, d’organiser un cocktail dînatoire classieux pour le prochain mardi soir. Il a spécifié «Je compte sur vous pour que ce moment soit une forme d’apothéose grandiose de notre manifestation car je tiens à remercier nos partenaires et marquer leurs esprits». Ma stagiaire savait que 3 dossiers à traiter dans urgence et importance l’attendaient ce lundi. Si elle avait suivi les préconisations du Président Eisenhower cette 4ème action se serait retrouvée dans le 3ème quadrant ce qui était impossible. Ce cocktail est donc devenu urgent mais d’importance secondaire au regard des 3 autres priorités. Vous comprenez maintenant pourquoi un dialogue avec votre manager s’impose quant à la classification des priorités !
- Faites place nette : rangez, triez, classez, archivez, jetez. Un bureau (physique et virtuel) en désordre, des armoires et des tiroirs fourre-tout, une messagerie qui explose… empiètent sur les durées consacrées aux vraies priorités. Si vous ne voyez pas où je veux en venir alors remémorez-vous les 20 minutes à rechercher fébrilement, ce mercredi, un courriel reçu et votre réponse noyés dans votre messagerie ! De plus les piles de dossiers et de documents (y compris virtuels) sont une invitation à votre dispersion le jour, à vos remords le soir et à votre curiosité le matin ! Quittez vos bureaux (physique et virtuel) rangés pour apprécier un sommeil vraiment réparateur. À première vue, ce point peut sembler anecdotique. Il est pourtant générateur de troubles qui vous font dériver. En effet la mémoire de votre inconscient ne vous oublie jamais : vous vous êtes réveillé(e) en sursaut à 2 h 50 car vous aviez oublié de reporter un rendez-vous ! Résultat vous êtes arrivé(e) épuisé(e) au bureau l’esprit brouillé. Avouez que la journée a mal commencé pour bien gérer les priorités !
- Mesurez l’effort à fournir. Chaque jeudi vous avez 5 actions prioritaires à mener à bien lesquelles vous demandent une concentration maximale et une forte énergie. Ne soyez donc pas surpris(e) d’être «lessivé(e)» chaque jeudi soir et, de surcroît, d’avoir une nuit agitée ! Réfléchissez à une autre organisation. Peut-être que sur les 5 actions 2 pourraient être réparties voire déplacées en début de semaine ! En effet, gérer les priorités c’est aussi prendre soin de soi car… votre santé est en «pole position» des priorités !
- Croyez en vous et pensez «je vais y arriver». L’optimisme est une question de désir et fait résoudre bien des choses (mes billets «Aération n°2» et «La joie de vivre de Jeanine»).
- Passez à l’action immédiatement dès la lecture de ce billet terminée.
J’oubliais :
«L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant».
René Char
Tout est dit !
Josette Dubost
Membre fondateur, expert métier FFMAS
* Ne jetez rien de confidentiel dans les corbeilles à papier. Passez vos documents par le broyeur micro-coupe. La confidentialité fait aussi partie des priorités !