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Une journée et un film pour redonner voix et corps à nos métiers

Le 17 avril 2025, dans le cadre de la Journée Nationale des Secrétaires et Assistant·es, la FFMAS vous a invité à interagir avec Michèle Dominici, réalisatrice du documentaire « Et l’homme créa la secrétaire » co-produit par Arte et Zadig productions (disponible jusqu’à fin septembre sur Youtube). Ce moment fort, entre diffusion, témoignages et échanges, permet de revaloriser un métier aussi ancien que méconnu, souvent enfermé dans les stéréotypes.

Une mise en lumière attendue : pourquoi ce film ?

La réalisatrice Michèle Dominici, fidèle à son engagement sur la question de la « puissance féminine occultée », a choisi d’explorer le métier d’assistant·e à travers une série d’interviews poignantes. Ce choix n’est pas anodin : historiquement dévalorisé, genré, et parfois sexualisé, ce métier cristallise de nombreuses tensions sociales et culturelles.

Le sujet a émergé de la proposition de sa productrice, mais il s’est rapidement imposé à elle comme un objet d’étude pertinent pour comprendre comment la société rend invisibles des métiers pourtant essentiels. En menant quarante entretiens, dont un seul avec un homme, la réalisatrice a tissé un récit à la fois intime, politique et pédagogique.

Un métier profondément genré : entre clichés et réalités

L’un des axes forts du documentaire est la mise en évidence de la manière dont le métier d’assistant·e reste aujourd’hui profondément genré. Si le secrétariat est désormais une fonction qualifiée, professionnalisée et centrale dans les organisations, son image demeure attachée à des stéréotypes féminins d’obéissance, de dévouement, voire de sexualité implicite.

La documentation et les témoignages recueillis mettent en lumière une récurrence troublante : la figure de « la seconde épouse », de « la maîtresse de bureau », et plus largement la représentation d’un rôle périphérique, non stratégique. Ces images sont d’autant plus persistantes qu’elles sont rarement questionnées dans la culture populaire.

La pédagogie comme outil de transformation

Le mouvement #MeToo a rendu visible la nécessité de réinterroger nos récits sociaux, d’oser mettre en scène autrement les rôles tenus par les femmes dans tous les secteurs, y compris ceux jugés « mineurs » ou « féminins ». Le documentaire répond à cette exigence, en montrant que la transformation passe par la parole, la répétition, la conscientisation.

La réalisatrice a choisi d’interroger les assistantes elles-mêmes pour renverser les logiques d’objectivation. En leur donnant la parole comme sujet, et non comme objet du regard, elle propose une autre pédagogie : celle de l’auto-reconnaissance. En cela, le film devient un outil d’autonomisation, mais aussi de légitimation.

Réactions des participantes : entre révélations et prises de conscience

Le webinaire a permis de recueillir à chaud les réactions de plusieurs des femmes ayant participé au documentaire. Pour la plupart, cette expérience a été bien plus qu’un tournage : elle a déclenché une réflexion en profondeur sur leur parcours, leur posture professionnelle, leur rapport à la reconnaissance.

Certaines ont même évoqué une forme de « mise en mouvement », allant jusqu’à envisager des actions collectives (dont une grève, pour signifier le poids de leur travail). D’autres ont spontanément entrepris des démarches concrètes de valorisation locale du métier préconisées par la FFMAS depuis 20 ans : interventions en lycée, sensibilisation des jeunes, diffusion du film dans des réseaux professionnels.

L’effet miroir fonctionne. La projection publique offre à chacune la possibilité de se voir autrement, mais aussi d’être vue autrement.

Le regard du public : entre surprise, émotion et déclic

L’accueil du film par le public révèle généralement un décalage saisissant : nombreux sont ceux et celles qui, avant visionnage, avouent ne pas comprendre l’intérêt de consacrer un documentaire à ce métier. L’étonnement initial laisse souvent place à une réelle émotion, et à un intérêt croissant.

Ce glissement prouve l’urgence de déconstruire les perceptions figées. Le film permet justement de dépasser les jugements de surface pour révéler la richesse, la technicité et la portée sociale de ce métier central.

Et les hommes dans tout cela ?

La très faible représentation masculine dans ce secteur interroge. Comment expliquer qu’en 2025, le métier d’assistant reste perçu comme exclusivement féminin ? L’unique témoignage masculin recueilli pour le documentaire soulève cette question, mais ne l’épuise pas.

Pourtant, les hommes ont toute leur place dans cette histoire. S’ils sont rares, leur voix peut devenir un levier puissant : non pas pour se mettre en avant comme des exceptions méritantes, mais pour porter un discours solidaire, critique, et réintégrer leur rôle dans une histoire collective.

Le documentaire peut ainsi leur servir de point d’entrée pour comprendre les racines genrées de leur métier, et s’engager dans un travail de visibilité, de professionnalisation et de valorisation du rôle administratif.

Une suite possible ?

Le film dure 52 minutes, mais son potentiel dépasse largement ce format. Il pourrait être le premier volet d’une exploration plus vaste :

  • Enquêter sur le regard des managers et dirigeants ;
  • Étudier l’impact de l’intelligence artificielle sur la fonction support ;
  • Explorer l’externalisation croissante du métier ;
  • Observer la transformation des compétences administratives dans un monde hyperconnecté.

Comme l’on dit les participantes lors du webinaire et souhaité par la réalisatrice que nous remercions ici pour ce documentaire : « Il faut raconter aussi l’histoire d’aujourd’hui, pas seulement celle d’hier. »

Aurore DEGOUTIN
Présidente nationale de la FFMAS
Assistante engagée et témoin active d’un métier en mutation